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BOIS, PAILLE, TERRE ET POÊLE DE MASSE

Marina Guibert et Thomas le Hasif, respectivement architecte et plombier, mettent en récit leur retour d’expérience d’un projet de poêle de masse dans une maison en paille, à Crozon (Finistère).

Marina : « Notre maison à ossature bois d’environ 125 m2 se compose d’un volume principal sur deux niveaux, contre lequel s’adosse une petite chambre à l’Est et une avancée Sud avec pignon vitré (espace toute hauteur surplombé par la mezzanine). 
Posés sur une dalle conventionnelle (sur vide sanitaire), les murs de la maison bardés à l’extérieur sont isolés en paille et enduits en terre à l’intérieur.

Un poêle de masse 8 kW, placé au centre, sera le seul moyen de chauffage (en plus des vitrages plein sud). Je crains un peu que cette conception, en plusieurs volumes, ne rende plus difficile la répartition de la chaleur sur l’ensemble.


Volume à chauffer : 420 m3 pour une surface de déperdition de 480 m²

Février 2020, la maison est hors d’eau hors d’air, je décide alors de suivre la formation PDM chez André de Bouter de La Maison en Paille. Cela me paraissait important de participer à ces trois jours de formation avant de me lancer dans la construction.


Et véritablement, ils ont été très enrichissants :

  • En théorie : construire soi-même son poêle et bien connaitre son fonctionnement ainsi que son entretien, c’est l’occasion de s’intéresser de plus près à la combustion, à la fumée, au tirage, etc… 

  • Et en pratique : manipuler les briques, s’essayer au montage, collage, enduit terre...

  • Avoir un aperçu des outils dont on va avoir besoin, et du matériel que l’on va commander : trappe de ramonage, porte, éléments de fumisterie, etc.


Le stage est aussi un moment précieux pour réfléchir et prendre du recul sur son projet, voire soulever des contradictions, grâce aux avis et conseils du groupe.
Et c’est également 3 jours de convivialité, de partage sur divers sujets et de cuisine collective au poêle !

Je me suis amusée à faire quelques simulations en 3D : le projet comprendra un petit banc chauffant d’environ 1m, sur lequel on posera un conduit double peau isolé qui monte tout droit  jusqu’au faîtage, à 7,30m. 
Comme nous avons coulé un plot de béton de 1m x 1m sous le poêle, il faudra prévoir l’arrivée d’air du vide sanitaire par  le côté droit.
Pas de four blanc pour l’instant, car, comme expérimenté lors du stage, la cuisine se fait très bien directement dans le foyer
.

Pour moi, le stage s’est avéré être plus qu’une réflexion sur le poêle, mais sur le projet global.


Grâce à André de Bouter, j’ai pris conscience de la déperdition thermique importante d’une de mes façades, le pignon Ouest qui était prévu en pierre (chaux-chanvre à l’intérieur), pour des raisons esthétiques (fortement suggéré par l’Architecte des Bâtiment de France, car nous sommes dans un site inscrit).

Au retour du stage, la décision était prise d’annuler la pierre et de tout faire en bois et paille afin de privilégier le confort thermique à l’esthétique.  C’était aussi une économie financière importante et moins de points techniques à gérer !

Merci André, car ça nous a enlevé une bonne épine du pied, et une explication claire et honnête des raisons de notre modification a été comprise par l’architecte des bâtiments de France.

Avec tous les murs en botte de paille de 35cm d’épaisseur, et les 35 cm de laine de bois en toiture, on a plus de chance que la température se lisse sans problème. L’enduit terre apporte déjà une bonne inertie, mais nous pensons en rajouter en faisant des cloisons en briques de terre crue. 

Au mois de juillet 2020, c’est parti pour le montage du poêle...

Mon premier rang est maçonné avec un mortier de terre, afin de rattraper le défaut de niveau des carreaux de  béton cellulaire.
Pour faire arriver l’air par le côté droit du poêle, quelques découpes de briques ont 
été nécessaires sur les 3 premiers rangs afin de créer un trou de 11x12 cm.

La difficulté avec le coulis argileux, c’est qu’il sèche vite et qu’une fois sec, il crée seulement l’étanchéité entre les briques, mais il ne colle pas (si ce n’est par le phénomène ventouse mais il n’y a pas de prise chimique). Donc elles se descellent facilement, si on met trop de temps à les régler.
Si ça décolle, parfois même sur le rang d’en dessous, on démonte et on recommence ! Sinon l’étanchéité ne sera pas assurée.
Au Réfracol, c’est plus facile, car le pouvoir collant est plus important. »

André : « En effet, suite aux retours des stagiaires, nous conseillons désormais le montage au Réfracol, depuis 2021.»

Marina : «Tout au long du montage, on peaufine la texture idéale (pour le coulis), la rapidité pour étaler la bonne épaisseur de colle sur la brique et les bons gestes pour la pose. Ça vaut le coup de s'intéresser au coulis argileux pour son avantage d’être démontable, si on pense vouloir déplacer ou modifier le poêle un jour. C’est la faible épaisseur du joint qui rend ce travail minutieux. S’il fait plus de 2mm, il risque de fissurer. Ce qui signifie aussi que l’on ne peut rattraper qu’au maximum 1mm par rang, d’où l’importance de bien vérifier le niveau à chaque rang posé !

N’ayant pas trouvé les boisseaux en brique 30x30 chez les fournisseurs autour de chez moi, j’ai dû partir sur une autre solution pour le banc de fumée, que je maçonnerai donc moi-même en brique. Pour monter l’habillage du poêle, il me manque un linteau, qui était normalement assuré par le boisseau. J’ai donc coulé sur place un linteau en béton mais j’aurai pu aussi commander une brique plus longue à PRSE.

Le cadre de la porte est installé provisoirement pendant le montage des briques autour du foyer.
En effet, il faut soigner particulièrement ces rangs de briques pour que le cadre vienne plaquer parfaitement sur les briques, afin d’avoir une bonne étanchéité, et une porte d’aplomb.
Ce n’est qu’une fois tout l’habillage maçonné que l’on viendra fixer le cadre de façon définitive, en le serrant à mort contre la maçonnerie pour écraser la laine minérale, collée derrière au préalable.
Pour ma part, je ne poserai pas tout de suite la quincaillerie, car nous allons accueillir un chantier participatif tout le mois de septembre, je préfère ne pas risquer qu’un persuadeur ne finisse dans la vitre.

Entre temps, nous nous sommes approvisionnés en bottes de paille. Ça tombait bien, car je m’en suis finalement servi d’échafaudage !

En effet, c’est la problématique que l’on rencontre à la fin de la maçonnerie, car on est sans cesse en train de tourner autour du poêle, donc avec un escabeau que l’on déplace toutes les 5 min, ce n’est pas hyper pratique.
Enfin ça ne dure pas trop longtemps, la maçonnerie touche à sa fin. Il n’y a plus qu’à poser les linteaux du plafond, l’isolant, la couche de sable et les briques de finition.
 

L’espace était un peu trop juste pour laisser passer le dernier linteau. J’ai finalement dû ressortir la meuleuse et je lui ai enlevé 1 cm sur toute la longueur.

Le 1er septembre 2020, il faut faire place au chantier terre/paille.

Nous serons une douzaine pendant 1 mois pour poser les bottes de paille et faire l’enduit terre. Le poêle est mis en pause et se transforme en calibreuse à botte ! 

Suite au chantier paille, nous entrons dans l’automne et j’ai hâte de faire du feu pour aider les enduits à sécher. Je maçonne le banc de fumée avec des briques de terre cuite pleines classiques et un mortier de terre.

Et pour le dessus, des dalles de béton extérieur 50x50x5 cm que je recouvrirai d’un enduit. J’ai taillé le bord en arrondi avec quelques coups de meuleuse pour créer une meilleure accroche pour l’enduit et les ai collé avec du ciment réfractaire (dans le doute, mais je crois que ce n’était pas indispensable, un ciment normal aurait fait l’affaire).
Dans les plans d'Oxalis, le boisseau fait un lien solide entre l'intérieur de l'habillage et le banc. Ce qui manque ici, car la première dalle est simplement collé contre le poêle.

Maintenant que je réfléchis à cette faiblesse, je me dis que j’aurai pu, si j’avais maçonné le banc en même temps que l’habillage l’habillage du poêle, faire rentrer la dalle sous les briques de l’habillage et elle m’aurait même servi de linteau.

Cependant, après deux hivers d’utilisation, il n’y a pas de fissure, la dalle est toujours bien collée au poêle. Je n’ai toujours pas fait l’enduit, qui devrait parfaire l’étanchéité sur ces points fragiles particulièrement. Je ne voulais pas enduire tout de suite pour observer comment les joints travaillent. 
Le conduit de fumée est posé sur le banc, par l’intermédiaire d’une plaque de base en métal, que j’ai pris en sandwich entre deux dalles de béton, préalablement percées du diamètre correspondant. Le poids du conduit repose sur la première dalle, en écrasant la laine céramique. La deuxième recouvre la plaque pour la finition.

J’ai découpé la plaque en métal de façon à avoir suffisamment de surface de colle entre les deux dalles.
Pour l’arrivée d’air, un ami couvreur nous a fabriqué une petite boite en zinc pour faire le lien entre le trou carré dans le poêle et le registre manuel rond qui passe dans la dalle. 

Et, enfin, le premier petit feu, pour commencer tranquillement le rodage du poêle.

La maison est encore en chantier et le poêle toujours pas terminé, mais nous profitons de sa chaleur depuis deux hivers déjà. 
Ici ils sont assez doux, nous faisons 1 feu par jour, d’octobre à avril. Le reste de l’année, les vitrages prennent le relais pour chauffer la maison. Il y a cependant 3 ou 4 semaines dans l’hiver où les températures sont plus basses, et là nous faisons 1 feu le
matin et 1 le soir, pour pouvoir garder nos 19/20 degrés en moyenne. 
La chaleur du poêle se répartit bien dans toute la maison (Jj vous dirai si c’est différent lorsque nous aurons des cloisons l’hiver prochain).
Le mur nord et la chambre ont seulement quelques degrés de moins que le salon, mais ce n’est pas dérangeant.

En fait, nous n’avons jamais froid dans cette maison. L’atmosphère crée avec les murs en terre et la chaleur douce constante du poêle fait que même si le thermomètre indique 17 ou 18 degrés, on se sent quand même bien. La comparaison est frappante par rapport à quand nous habitions en yourte où il nous fallait plutôt 24 degrés pour ne pas avoir froid, et encore ! (Surtout moi qui travaille sur ordinateur…) Le confort c’est aussi peu de bois à préparer, 3 ou 4 stères suffisent pour l’année. Par contre, c’est important de stocker le bois dans la maison au moins 1 semaine avant de le brûler, pour qu’il soit bien sec.
Nous nous sommes beaucoup servis du banc de fumée pour le faire sécher au début, et ensuite nous avons rajouté une étagère contre le poêle. 


Tout ce que nous avons à faire sécher (plantes, champignons, fruits… ) nous le mettons dans des cagettes empilés au-dessus du banc, séchage optimal ! Nous avons dégusté un bon nombre de plats en cuisson lente dans le poêle (gigot d’agneau de 7h, tajine… ), c’est
génial pour faire cuire des légumineuses sans gaspiller du gaz, et depuis peu, j’ai découvert qu’il pouvait aussi servir de déshydrater, à 60 degrés, pour faire des crackers ou granola maison ! Maintenant nous essayons le pain… » 

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