
Chantier participatif
Auroville, Inde - 2000
André De Bouter
Après avoir dévoré les deux livres (américains) existants et suivi deux stages sur la construction en Paille Porteuse, j'ai passé six mois en Inde où j'ai suivi une formation sur la fabrication des Blocs de Terre Comprimée au Building Center d'Auroville
Suite à cette expérience concrète d'utilisation de la terre crue et en échange de l’avoir reçu, j'ai animé un chantier participatif pour créer une maisonnette en paille et de faire connaître cette mode de construction. C'était l'occasion de me lancer dans ce qui était devenu ma passion et de tester si le métier de formateur en construction paille à temps plein (qui n'existait pas à l'époque) me conviendrait réellement.
Il n'y avait pas de bottes de paille à acheter, car il n'y avait pas de botteleuses en Inde. La paille était coupé à la main et transporté en vrac sur un charrette tiré par une vache, les cornes décorées pour un fête hindu.
Ne voulant pas abandonner l'idée d'organiser un chantier paille, j'ai inventé une presse manuelle, ce qui n'était pas si compliqué d'ailleurs. Ainsi, même les enfants pouvaient fabriquer une botte de paille (de riz). Nous avions vérifié leur masse volumique (des bottes ;-) et elle respectait les Règles Professionnelles que nous (RFCP) avons publié 12 ans après.
Avec des habitants d'Auroville, des personnes de passage et trois artisans indiens pour la toiture traditionnelle avec des feuilles de palmier tressées, nous avons construit cette "Tiny house", comme on l'appellerait aujourd'hui. Le chantier se déroulait durant les week-ends
sur environ deux mois.
Dans un premier temps, je voulais la réaliser en Paille Porteuse (Nebraska). Mais finalement, nous avons ajouté quatre piliers en granit local. Il y avait une belle termitière à 10 m du chantier, mais les agriculteurs m'ont rassuré que, sèche, la paille n'intéressait pas les termites. Avec le bois de la toiture et du plancher d’étage sur ces piliers, les termites ne peuvent pas l’atteindre. Et le granit coupé localement n’était pas coûteux.
Idem pour la fabrication d’une botte de paille, que 2 personnes fabriquent en 15 minutes. Sachant qu’un sac de ciment (pour la maçonnerie) valait le même budget qu’un maçon pour la journée, il est évident qu’il valait mieux payer des locaux que les actionnaires d’un
cimentier.
Je n'avais pas obtenu le permis de construire requis, donc le chantier risquait d'être là juste pour apprendre et s'amuser. Mais une fois construit, la communauté d'Auroville a mieux compris qu’une construction en paille n’est pas une blague. Ils m’ont remboursé les frais des matériaux et y ont logé une mère et son fils.
Il n’y avait pas d’électricité sur place, ni de moteur thermique. Pas besoin pour un chantier modeste. Souvent j’y pense encore, quand je lance le compresseur et qu’on pose l’enduit à l’aide d’air comprimé avec les stagiaires. Certes, ça va vite quand on a peu de monde pour aider, mais ce n’est pas le même plaisir au travail.
Le bruit des oiseaux , les rires et les chants des participants qui enduisaient goulûment à la main avec la jolie terre rouge d'Auroville, c’est ce que je retiens le plus de cette belle expérience. Et mon envie énorme de faire connaître et comprendre à la planète entière, cette technique peu connue du grand public.